AIDER les autres, ce n'est pas leur DONNER ce dont ils ont besoin,mais bien les MOYENS de les acquérir !!!!
Je peux affirmer que j’ai de la « chance ». Je suis un phénomène handicapé car mes amis et surtout ma famille me répètent presque sans cesse que je suis une personne formidable. Le suis-je ? Peut-être. Sûrement. Absolument pas. J’ai une criante envie de dire, d’écrire la vérité, et si je le fais, je redescends au rang de criminel moral. Mais parfois, pousser un coup de gueule pourrait faire avancer le monde si particulier qu’est celui du handicap.
Je suis assis en face de lui. Pendant qu’il regarde mon dossier médical (avec attention), j’observe la décoration de son bureau qui, sans aucun doute, reflète la réussite et le talent de ce médecin qui frôle la cinquantaine. J’attends, presque avec prétention, qu’il approuve avec fierté ma requête possible et tant convoitée : la prolongation de mon indépendance.
Flashback
Cinq ans plus tôt, ce même homme de science et spécialiste dans le domaine qui frôle toute la perfection du mystère de la vie, me reçoit dans une salle moins impressionnante avec un confrère muet mais accro à son stylo. Ma mère est à mes cotés, aussi anxieuse que moi. « Pourquoi ce handicap Monsieur ? ». Je lui réponds la cause qui me fait toujours savoir que j’ai eu moins ou plus de chance que les autres nouveaux nés de l’an 1988. « Vous fumez, buvez Monsieur ? ». C’est à cette époque que je commençais mes dérives de jeune adulte. Premières soirées assoiffées, premiers flirts, premiers tout. « Non, Monsieur ». Après l’approbation ambiguë des deux médecins et l’encaissement du fameux chèque de trente trois euros non-remboursé demandé pour cette visite médicale, nous sortons de la salle, ma mère et moi, satisfaits : cinq ans de permis probatoire parce que je n’ai pas choisi d’être l’homme que je suis.
« Et vous arrivez à conduire Monsieur malgré votre dystonie ? », me dit-il d’un air interrogateur perplexe. L’incompréhension s’empare de moi. Je reste sans voix une demi-seconde suite à cette question non-réfléchie, provocatrice, déstabilisante ? Et c’est alors, avec des paroles hautaines et revanchardes, que je lui fais un cours sur l’infirmité motrice cérébrale. Je lui explique que ce n’est pas une maladie mais un handicap qui ne peut qu’évoluer positivement. Je lui rappelle également que j’ai toujours mes douze points et que je conduis sur une voiture à vitesse automatique, comme convenu lors de la précédente visite. Or le MEDECIN insiste sur mes capacités physiques alors que le doute n’a pas lieu d’être : bilan neurologique approuvant mon statut de conducteur sous ses yeux et preuves irréfutables que je ne suis pas un danger sur la route. Après examens parfaits (pouls, réflexes et tension), le doute plane toujours. Non convaincu cette fois-ci, il m’assure une période probatoire de trois ans alors que je visais la perpétuité, et encaisse avec normalité son chèque préfectoral de trente-trois euros ! Du haut de mon handicap, je ne peux contester mais ce qui reste sûr : le Docteur B. me voyait pour la dernière fois. Je me suis rendu compte alors qu’il y a médecins et « médecins »…
Je ne suis pas alcoolique ni un fou du volant. Les spécialistes de la santé affectés par les préfectures reçoivent à la chaîne des personnes « normales » qui choisissent d’enfreindre la loi à cause de leur mal-être ou pour impressionner les filles. Ils les punissent grâce à leur grade et leur pouvoir de décision. Pour les personnes « handicapées », j’ai la maudite intuition que le recul face à la pathologie neurologique reste le même. Et j’assiste, avec tristesse et impuissance, à une discrimination médicale injuste et maladroite.
Antoine M. est auteur du blog www.writtingandliving.com